« Du plus simple au plus complexe, le sauvignon blanc tient ses promesses à tous les niveaux »
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« Du plus simple au plus complexe, le sauvignon blanc tient ses promesses à tous les niveaux »
Steve Melchiskey a fondé la société d’importation USA Wine West en 1996 dans le but de proposer aux opérateurs souhaitant pénétrer ce marché complexe, à la fois des services de logistique, de conformité et de gestion de marque pour ne citer qu’eux. Dégustateur au Concours Mondial du Sauvignon, il livre une analyse éclairée sur la perception du sauvignon blanc aux États-Unis.
D’après votre expérience de commercialisation du sauvignon blanc, comment qualifieriez-vous sa place actuelle sur le marché américain ?
Ce qui est merveilleux avec le sauvignon blanc, c’est que c’est un beau cépage dont le profil correspond aux goûts actuels des Américains. Les consommateurs ont commencé à délaisser un peu le chardonnay – mais qu’on ne s’y trompe pas, le chardonnay est toujours roi – et à se tourner vers des vins aux saveurs fruitées un peu plus nettes, avec des nuances plus tournées vers la vinification en cuve inox en finale, et une fin de bouche plus franche. Pendant un certain temps, ils se sont beaucoup focalisés sur le pinot grigio, qui est devenu à la mode. Le sauvignon blanc offre le même type de neutralité agréable, si l’on veut, d’une manière nette, mais il apporte ensuite une complexité de saveurs et d’arômes très intéressante. Il incarne les qualités appréciées du pinot grigio et leur donne un profil plus intéressant. Le sauvignon est devenu un véritable phénomène aux États-Unis, il s’est en quelque sorte imposé.
« Le sauvignon blanc incarne les qualités appréciées du pinot grigio et leur donne un profil plus intéressant »
Quels sont, selon vous, les styles les plus plébiscités actuellement ?
Ce qui est phénoménal, c’est que la Nouvelle-Zélande, dont la superficie du vignoble ne dépasse pas un tiers de celle de l’Australie, exporte davantage de vins vers les États-Unis que l’Australie tout entière, qui bénéficie pourtant d’une culture moderne du sauvignon blanc. À mon sens, c’est la Nouvelle-Zélande qui a vraiment fait entrer le sauvignon blanc dans la conscience américaine. Le sauvignon était cultivé en Californie, mais dans les années 1960, Robert Mondavi avait tout le mal du monde à le vendre. À l’époque, les gens consommaient du Pouilly Fumé qui était très tendance, c’était le vin sophistiqué. Il a donc rebaptisé le sauvignon blanc Fumé Blanc et les ventes ont décollé. De la même façon, il me semble que le style du sauvignon néo-zélandais a vraiment sensibilisé le consommateur américain à la beauté du cépage. Avec ses parfums de litchi, d’épices, de jalapeño, de magnolia, il s’est imposé comme une variété très intéressante.
Comment se comporte la Nouvelle-Zélande à l’heure actuelle ?
Au cours des quatre dernières années, la Nouvelle-Zélande a connu des problèmes. D’abord, il y a eu les restrictions liées au Covid-19, qui ont entraîné des difficultés logistiques. Ensuite, elle a connu trois millésimes difficiles, non pas sur le plan qualitatif, mais en termes de volumes, et elle a commencé à en pâtir. Mais ce cépage était toujours très prisé et les gens ont commencé à apprécier son profil, sa texture et sa saveur sous d’autres formes. En supermarché, le sauvignon blanc néo-zélandais se vend comme des petits pains. Nous n’arrivons quasiment pas à répondre à la demande, ce qui est vraiment intéressant. En même temps, il y avait le Bordeaux blanc. Le Bordeaux de base se vend aux États-Unis, mais il n’est pas très reconnu. Et puis, tout à coup, depuis un an et demi ou deux, ses ventes ont explosé en grandes surfaces. Certes, le cépage n’est pas mentionné, mais je pense que les consommateurs sont attirés par son positionnement prix intéressant, puis le goûtent et le rapprochent de ce qu’ils apprécient dans le sauvignon néo-zélandais. Pour moi, il s’agit d’une opportunité pour l’ensemble de la catégorie de profiter de ce que la Nouvelle-Zélande a accompli, en termes de popularité intrinsèque du cépage, et de faire découvrir d’autres manières de l’aborder.
Les consommateurs se détournent-ils de la Nouvelle-Zélande ?
En discutant avec l’un des acteurs les plus intelligents du secteur que je connaisse au niveau national, qui travaille avec des producteurs sud-africains, il semblerait que le vignoble de Stellenbosch prend le relai de la Nouvelle-Zélande. C’est la seule région qui présente des similitudes avec la Nouvelle-Zélande en termes de profil gustatif. Il a constaté un énorme regain d’intérêt pour le sauvignon blanc de Stellenbosch, d’abord suscité par les problèmes d’approvisionnement, mais qui est désormais motivé par la qualité des vins. C’est une tendance qui s’est amorcée et qui, selon moi, va s’accentuer.
« Le sauvignon blanc se classe parmi les plus grands cépages du monde, et il n’en existe que quelques-uns »
Qu’en est-il des autres régions ?
Il y a tellement de vignobles – le Haut-Adige, la Suisse, Sonoma, l’État de Washington, le Chili, Bordeaux, la vallée de la Loire… – qui élaborent du bon sauvignon blanc. Certains d’entre eux proposent des vins trop chers. Le Val de Loire ne correspond pas au positionnement prix du cœur de marché, malgré la qualité merveilleuse de ses sauvignons. Le Haut-Adige est également un peu trop cher, mais les plus grands vignobles de sauvignon blanc, comme celui du Chili, qui peuvent le proposer à un prix plus abordable, vont vraiment monter en flèche au cours des cinq à dix prochaines années.
Le sauvignon blanc est-il freiné par un prix plafond ou une barrière psychologique ?
Il est vraiment difficile de parler de prix plafond parce que les coûts logistiques ont triplé. Donc, ce que je considérais comme un plafond n’en est plus un. Cela dit, un positionnement de l’ordre de 14,99 $ constitue un seuil maximum pour les consommateurs à l’heure actuelle. Si vous êtes en mesure de proposer un produit à 12,99 ou 13,99 dollars, c’est parfait, mais si vous dépassez ce prix, je pense que cela modifie le profil de consommateur que vous essayez de toucher. Le sauvignon blanc néo-zélandais se commercialise autour de 15 ou 16 $ en grande surface, c’est à ce niveau-là que le seuil commence à s’imposer. Bien évidemment, entrent en jeu des questions de polarisation ou de segmentation du marché. Clairement, quand vous visez des volumes importants, le prix se situe dans la tranche des 10-15 dollars. Cela représente un bon rapport qualité-prix avec un point culminant autour de 15$.
Depuis longtemps, le sauvignon blanc est très prisé. Constatez-vous une baisse de sa cote de popularité ?
En toute honnêteté, je ne vois pas du tout de baisse d’intérêt pour le sauvignon blanc, surtout d’après mon expérience dans le secteur de la vente au détail. À tous les niveaux, il suscite un véritable engouement. Je ne vois pas de fissures, je ne vois aucun autre cépage qui puisse prendre sa place pour le moment. Je pense que le grüner veltliner a tenté sa chance. Il propose un profil qui s’approche de celui du sauvignon. Mais le sauvignon se classe parmi les plus grands cépages du monde – il n’en existe que quelques-uns et c’est l’un des meilleurs – et je ne vois aucun autre cépage apte à prendre sa place. Aucun d’entre eux n’offre la même qualité que le sauvignon blanc. S’il devait connaître des problèmes ou une désaffection, ce sera lié à une mutation des goûts des consommateurs. Au fil des ans, cela arrive.
« Depuis un an et demi ou deux, les ventes de Bordeaux blanc ont explosé en grandes surfaces »
Selon vous, quels sont les éléments clés à communiquer sur le sauvignon blanc ?
Ce qui ressort à mon sens, c’est la pureté de ses saveurs et sa capacité à accompagner un large éventail de mets. Je me suis souvent demandé comment le sauvignon néo-zélandais avait réussi à prendre une telle ampleur. Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Comment cela s’est-il produit ? Je pense que c’est vraiment la qualité du raisin et son goût qui ont capté l’attention des consommateurs. C’est un vin qu’ils apprécient. Donc, il faut mettre l’accent sur sa clarté, sa fraîcheur. Il n’a pas besoin d’être très alcoolisé – c’est un cépage que l’on peut apprécier à un taux d’alcool plus faible. Il convient à une grande diversité d’occasions de consommation, que ce soit une soirée cocktail où vous n’avez pas envie d’intellectualiser ce que vous consommez, ou un dîner plus formel. Il peut donc être apprécié en toute circonstance. Le pinot grigio s’est imposé parce les consommateurs n’avaient pas envie de se prendre la tête, mais recherchaient plutôt un vin plaisir. Le sauvignon blanc possède cette même qualité, mais il offre en plus les atouts qui lui permettent d’accéder à un niveau supérieur. Son profil est polymorphe, allant du plus simple au plus complexe, et il tient ses promesses à tous les niveaux.