Sauvignon blanc : un cépage français polyvalent devenu une star mondiale
Personne ne sait au juste ni où, ni quand, le sauvignon blanc a vu le jour en France, mais il est probable que cela soit quelque part en Val de Loire. La première mention connue de la variété date de 1534, mais sous le nom de Fiers, qui est un de ses anciens synonymes. Le fait que le texte en question soit de François Rabelais (chapitre 25 de Gargantua) ajoute du poids à cette hypothèse ligérienne, Rabelais étant originaire de Chinon. Quant aux parents, on pense fortement au savagnin (alias traminer) comme étant un des ses géniteurs, mais l’autre reste à découvrir grâce à la recherche génétique. Son propre rôle de géniteur est aussi connu, du moins partiellement, car il est un des parents (avec le cabernet franc) du cabernet-sauvignon et l’origine géographique de cette descendance pourrait bien être bordelaise. Son identité française ne semble donc pas en cause, malgré sa grande réussite ailleurs dans le monde viticole.
La superficie plantée en sauvignon blanc en France est estimée aujourd’hui à 14 000 hectares, avec environ 6 000 hectares dans le sud-ouest et autant en Val de Loire. Il règne en maître dans la partie centrale des vignobles de la Loire où il fournit pas moins de 75% des vins, toutes couleurs confondues. Il est même le seul cépage blanc autorisé dans les appellations suivantes : Sancerre, Pouilly Fumé, Menetou Salon, Quincy, Reuilly et Coteaux du Giennois, et on le trouve aussi, parfois de manière exclusive, dans des appellations du tourangeau comme Touraine, Touraine-Mesland, Touraine Chenonceau, Valençay ou Cheverny. Comme son chemin vers le sud se poursuit via les régions du Haut-Poitou ou des Fiefs Vendéens, il est aisé d’imaginer son parcours historique le long d’un chemin de St. Jacques pour aller gagner des zones viticoles du Sud-Ouest où le sauvignon blanc a trouvé d’autres terres d’accueil à Bergerac, Bordeaux, Marmande, Duras, Gaillac et, plus récemment, dans les collines de Gascogne. En tout cas, il a été identifié dans le vignoble de Graves vers 1730. Mais ce grand voyageur, qui a aussi fait le tour du monde, ne s’est pas contenté de ce parcours-là en France car il fait aussi son apparition en Languedoc, par le biais des vins de pays d’Oc, dont les surfaces augmentent, comme dans certaines appellations provençales : Bandol, Cassis et Coteaux d’Aix.
Une gamme étendue
Avec une telle diversité de sites, de climats et de traditions, il est très difficile de parler d’un seul style de vin à propos du sauvignon blanc en France. D’ailleurs on ne peut même pas évoquer une unicité de type de vin, car de nombreux grands vins liquoreux de France utilisent largement le sauvignon blanc, seul ou en assemblage : par exemple à Sauternes, Barsac, Cérons, Cadillac et Premières Côtes de Bordeaux dans le Bordelais ; mais aussi à Monbazillac ou d’autres appellations du Bergeracois. Pour ne parler que des seuls vins secs, les variations climatiques acceptées par ce cépage en France sont considérables : du climat semi-continental frais du Sancerrois à la douceur de la Gironde et des terres gasconnes, en passant par quelques zones méditerranéennes de la Provence. Types de sols, méthodes de culture et styles de vinifications marquent également de leur empreinte le profil des sauvignons blancs. Les arômes exubérants que l’on trouve dans la plupart des sauvignons néo-zélandais n’existent pas à Sancerre, où le style est généralement beaucoup plus discret, réservé et ferme. Souvent un peu plus tendres et riches qu’à Sancerre, les vins de Pouilly Fumé adoptent parfois un profil bourguignon. Chablis n’est pas très loin ! Les vins de Touraine, comme certains du bordelais, peuvent offrir des arômes variétaux un peu plus marqués. Puis la vinification et l’élevage jouent toujours leur rôle de marqueur de goût.
Des fils conducteurs
Malgré ces variations, sources d’identité distincte pour certains, il y a des fils conducteurs entre les profils des vins de sauvignon blanc. Ce cépage peut être plus ou moins aromatique, mais ses arômes ont comme source la présence dans le fruit de molécules à potentiel odorant qui sont des thiols volatiles. Les arômes sont libérés sous l’action des levures au cours de la fermentation pour générer des sensations qui, dans les vins jeunes, évoquent souvent le buis, le bourgeon de cassis ou le genêt, ou, pour la famille des fruits, le citron, le pamplemousse ou le fruit de la passion, par exemple. Dans des climats frais et sur des sols très calcaires, comme à Sancerre, on parle souvent aussi d’arômes de « pierre à fusil ». Mais à chacun son sauvignon blanc, car ce cépage peut exprimer une grande diversité de nuances.