Quels profils de sauvignon recherchent les amateurs de vins français et belges ?
Regards croisés
Le sauvignon blanc est plébiscité par des consommateurs à travers monde mais comment son succès varie-t-il d’un pays à l’autre ? Avec une boutique au Touquet Paris Plage en France, et une autre à Tournai en Belgique, Pascale Guillier est particulièrement bien placée pour évaluer des différences d’approche selon chaque culture.
Tout d’abord, présentez-nous vos magasins…
La société a 125 ans et nous nous sommes consacrés uniquement aux vins à partir de la fin des années 70. En 1999 j’ai créé la cave Touquettoise et deux ans après la Cave Saint-Jacques à Tournai. A Tournai, notre sélection comporte environ 400 références tandis qu’au Touquet, nous référençons un peu moins de 300 vins. Nous donnons des cours de dégustation aux professionnels et aux particuliers et possédons également une maison de gros qui travaille avec environ 125 restaurants, ainsi que d’autres cavistes. Les caves Touquettoise et Saint-Jacques sont plutôt orientées vers une clientèle de particuliers. Au total, nous commercialisons plus de 650 000 bouteilles. Au Touquet, 40% des ventes sont des blancs et 25-30% des blancs sont des sauvignons.
Comment se compose la gamme des sauvignons dans vos magasins ?
Nous travaillons avec toutes les régions françaises qui cultivent le sauvignon. Malheureusement, nous n’avons pas de sauvignons étrangers, faute de place pour l’instant. Dans la région de la Loire et du Centre, nous référençons par exemple des Touraine, Reuilly, Menetou-Salon, Pouilly et Sancerre. Nous travaillons avec des Bordeaux blancs, et proposons un certain nombre de sauvignons assemblés avec du sémillon. Nous commercialisons aussi un sauvignon de la région de Saint-Chinian, qui est complètement atypique, comme quoi le sauvignon peut avoir une signature aromatique très reconnaissable, mais pas toujours ! En l’occurrence on ne le reconnaît pas du tout ! Nous référençons aussi un « Blue Sauvignon », mais là, c’est pour le fun. Nous le travaillons davantage sur le Touquet qu’à Tournai. Nous proposons aussi un château dans le Cabardès qui fait de jolies choses.
Y a-t-il des différences importantes dans les sélections entre le magasin en France et celui de la Belgique ?
En effet, il y en a énormément. La Belgique est moins orientée vers les vins blancs. Notre cave française se situant sur la Côte d’Opale, nous y commercialisons beaucoup plus de vins blancs et énormément de sauvignons. C’est un cépage qui plaît bien, pour sa fraîcheur et aussi en accompagnement des plateaux de fruits de mer consommés dans cette région côtière. Les accords mets et vins sont toujours très jolis parce que le sauvignon gomme l’iode. C’est le choix numéro un pour ce type d’alliance. Nous travaillons avec de grandes maisons de sauvignon et sommes plutôt sur des profils d’appellation. Pour les vins de cépage du Sud, c’est à nous de les faire découvrir parce que les gens n’iront pas spontanément les chercher. Ils ne s’imaginent pas qu’il peut y avoir du sauvignon dans le Sud. Ils n’associent pas le Languedoc par exemple avec le sauvignon alors qu’il s’en produit des magnifiques dans cette région.
Quels critères appliquez-vous au choix de sauvignon dans les différentes boutiques ?
Le critère essentiel pour nous, c’est l’équilibre et je travaille beaucoup là-dessus. Ensuite, il faut que cet équilibre offre un bon rapport qualité-prix et réponde à la demande des clients.
Quels sont les styles de sauvignon blanc les plus en vogue actuellement ?
Les consommateurs recherchent plutôt des vins sur la fraîcheur. Le bois passe difficilement. Dans tous les cas, il faut faire preuve de doigté avec le bois. Nous avons fait des essais avec quelques profils légèrement boisés et ce n’est pas ce que les consommateurs recherchent encore. Ils cherchent des vins frais, consommables tout de suite, avec des arômes de type agrumes, fleurs blanches. Il ne faut pas non plus qu’ils soient trop exubérants. Le sauvignon se consomme notamment en accompagnement de mets. Il est moins évident à proposer à l’apéritif. Dans le Nord, nous sommes plus attachés aux bulles à l’apéritif et les vins blancs sont plutôt des accompagnants de table.
Le profil le plus recherché a-t-il évolué au cours des dernières années ?
Absolument. Les consommateurs recherchent moins aujourd’hui des sauvignons trop typés thiols. Ce style passe moins bien qu’auparavant. Ce qui est privilégié, c’est plutôt le côté fruits de la passion, et de la minéralité, même si ce mot est un peu galvaudé. Ce sont malgré tout les qualificatifs qu’on entend le plus. Les profils tendus sont préférés.
Comment résumer les raisons du succès du sauvignon blanc ?
En réalité, le sauvignon est un cépage polyvalent par excellence, il peut tout aussi bien être exubérant comme discret. Il peut être simple et consommable tout de suite, mais aussi se marier avec de la grande gastronomie comme le homard ou le turbot. C’est ce qui le rend passionnant.
Son intérêt, c’est qu’il est consommable presque tout de suite. Une bouteille vendue est consommée dans les 24 ou 48 heures et le sauvignon ne nécessite pas d’être mis en cave pendant plusieurs années pour être prêt à boire. Les clients nous posent quand même la question de savoir s’ils peuvent garder le sauvignon et même si nous répondons qu’il est possible de le mettre en cave, on sait qu’il sera quand même bu dans les 48 heures ! On le voit surtout au Touquet – les gens ne viennent pas en vacances avec leur cave à vins, donc très souvent nous les recevons deux fois par jour et souvent ils repartent avec du sauvignon. Pourquoi ? Parce qu’ils ont le plaisir immédiat, ils n’ont pas à se creuser la tête et ils peuvent l’ouvrir tout de suite.
Peut-on parler de gamme de prix que les consommateurs trouvent acceptable pour le sauvignon ?
Nous commercialisons certains sauvignons à 6-7 euros la bouteille mais la majeure partie de ceux que nous vendons se positionnent entre 10 et 15 euros. Au-delà, c’est plus aléatoire et cela concerne vraiment des amateurs à la recherche du côté terroir. Si on prend l’exemple de la Loire, il s’agit d’expressions de terroir différenciées comme le silex ou le calcaire, ce qui donnera des vins soit sur la fraîcheur et la vivacité, soit sur plus de gras. Ce sont là des amateurs plus éclairés et on aura du plaisir à discuter avec eux.
Quel avenir prévoyez-vous pour le sauvignon blanc en termes de profil gustatif et d’occasions de consommation ?
Je pense que le sauvignon a une place énorme à prendre sur le marché, à condition de pouvoir surmonter les conséquences de certains aléas climatiques – comme ceux qui ont déjà frappé la Touraine – qui sont susceptibles de casser toute une dynamique. Autrement, je pense que le sauvignon ne pourra qu’assumer une place plus importante parce que beaucoup d’efforts ont été réalisés. Les vignerons travaillent beaucoup plus la maturité, ce qui était le gros défaut des sauvignons auparavant. Pour notre part, nous développons de plus en plus notre gamme. Notre prochaine optique, ce sera de faire entrer des sauvignons étrangers – Californie, Allemagne, Autriche, Australie, Nouvelle-Zélande. Nous aimerions beaucoup développer le sauvignon – c’est un cépage en vogue et on nous en demande de plus en plus.
Propos recueillis par Sharon Nagel