Les avantages de la maturation du sauvignon sous bois
L’arôme est un facteur de qualité très important pour les aliments, mais pour le vin, c’est sans doute le caractère qui influence le plus sa qualité. Le professeur Roberto Zironi explique comment la maturation sous bois peut être employée pour préserver les arômes du sauvignon.
De nombreux composés chimiques sont responsables de l’arôme du vin et, au cours de la vinification et de l’élevage, les différentes réactions et interactions qui s’établissent influencent la perception du bouquet.
Un des problèmes œnologiques les plus importants auquel il faut faire face pendant la vinification est la prévention d’une oxydation prématurée du vin qui, sauf dans le cas de quelques vins particuliers, est considérée comme le principal facteur de perte de qualité.
L’oxydation entraîne très rapidement une perte des arômes frais et fruités du vin et l’apparition d’autres odeurs caractéristiques du phénomène telles que des odeurs de miel, d’écurie, de bois, de caramel, de fruit trop mur, de pomme blette, qui s’accompagnent d’une modification de la couleur et du goût.
Ces descripteurs désagréables sont indésirables dans le vin et les œnologues s’emploient constamment pendant le processus de production du vin à empêcher que les conditions de leur formation ne soient réunies.
Une sensibilité variable à l’oxydation
Les vins jeunes contiennent une forte concentration de composés réactifs à l’oxygène qui peuvent déclencher une chaîne de réactions chimiques oxydantes qui en altèrent la structure et la concentration.
Dans le sauvignon, l’arôme caractéristique peut être attribué principalement aux deux catégories de composés suivantes : la méthoxypyrazine (IBMP), responsable des descripteurs aromatiques « poivre vert », « asperge », « vert », « herbacé » et les thiols variétaux (4MMP, 3MH et 3MHA) responsables des descripteurs aromatiques « raisin », « fruit de la passion », « buis » et « groseille ».
La sensibilité à l’oxydation de ces deux catégories de composés varie beaucoup.
La concentration de méthoxypyrazine dans le vin dépend de l’époque à laquelle le raisin est récolté ainsi que des procédures œnologiques suivant lesquelles elle est mise en solution dans le vin. Une fois extraite, sa concentration reste stable dans le temps et ne se modifie ni au gré des pratiques œnologiques pour amener le vin à l’embouteillage ni des stress oxydants que subit le vin avant ou après la mise en bouteille.
La concentration des thiols variétaux subit en revanche des variations liées à la concentration de précurseurs dans le raisin, aux techniques de pressurage et de fermentation, à la composition du vin et à la quantité d’oxygène avec laquelle il entre en contact pendant la conservation avant et après la mise en bouteille.
Les thiols variétaux sont dégradés pendant la conservation du vin en composés non volatils ou ayant un seuil de détection plus élevé et par conséquent, étant donné leur basse concentration dans le vin, deviennent de fait inodores.
Les réactions qui s’en suivent sont connues et sont liées aux mécanismes suivants : en présence d’oxygène et de catalyseurs métalliques, les thiols variétaux se transforment en leurs disulfures correspondants. Les thiols peuvent en outre réagir avec les polyphénols du vin notamment si ceux-ci sont à leur tour sujets à des phénomènes oxydants et sont sous la forme de quinones. Les composés d’addition obtenus ne sont pas volatils et par conséquent l’intensité aromatique du vin diminue.
Pour la conservation dans le temps de la complexité aromatique du sauvignon, il faut donc garder constamment sous contrôle les phénomènes oxydants aussi bien en empêchant le contact direct du vin avec l’oxygène qu’en utilisant une protection adaptée avec des antioxydants exogènes tels que le dioxyde de soufre et l’acide ascorbique.
Ce type de protection n’empêche cependant pas que de petites quantités de quinones se forment, ainsi la stabilité de l’arôme du sauvignon, bien qu’augmentée, n’est pas garantie sur une longue période.
Pour allonger encore la durée de conservation du vin Sauvignon, il faut donc intervenir directement sur la composante phénolique.
Des méthodes pour préserver le potentiel aromatique du sauvignon
Une première action technologique peut être réalisée en phase de pressurage, en oxydant les phénols instables par l’ajout d’oxygène en quantités supérieures à sa solubilité dans le moût (hyperoxygénation). Au cours de cette phase, les thiols sont stables parce qu’ils ne sont pas libres, mais protégés sous forme de précurseurs. Selon de récentes études, cette technique favorise en outre la production d’un quota supérieur de précurseurs des thiols 3MH et 3MHA.
Une deuxième phase, de manière analogue à ce qui se produit lors de la stabilisation de la couleur des vins rouges, s’opère en utilisant l’action catalytique des phénols du bois et la micro-oxygénation pour renforcer le lien entre les phénols instables (catéchols) et les phénols polymères par le biais d’un pont avec des aldéhydes (acétaldéhyde). La fermentation et la première conservation du vin se réalisent pratiquement dans des barriques en bois.
À la différence de ce qui se produit normalement au cours de la stabilisation des vins rouges, il faut un troisième acteur pour gérer efficacement la technique : le glutathion. Cet antioxydant naturel, déjà présent dans le raisin, mais produit par la levure pendant la fermentation et la lyse post-fermentaire, est avec d’autres antioxydants non connus présents eux aussi dans la levure, un important facteur de protection naturelle des composés volatils instables du sauvignon.
Le choix de la barrique en bois est également un facteur stratégique pour le succès de l’opération. Pour la stabilisation du sauvignon, on utilise de préférence des barriques de grandes dimensions, allant de 500 à 5000 litres, ayant déjà été utilisées pour le vieillissement d’autres vins blancs et avec des chauffes qui ne doivent pas modifier le profil organoleptique du vin.
De bas niveaux d’anhydride sulfureux dans le vin se révèlent essentiels pour le succès de l’opération afin de stimuler la production de l’acétaldéhyde et sa condensation avec les substances polyphénoliques. Les opérations répétées de remise en suspension des lies de levure (bâtonnage) garantissent une micro-oxygénation constante du vin par la présence du pouvoir antioxydant de la lyse de la levure qui protège les thiols variétaux pendant cette stabilisation oxydative des phénols.
L’application de ces procédés œnologiques hautement technologiques garantit au vin une augmentation notable de sa durée de conservation et, accompagnée de procédures ad hoc de confection et de conservation, elle permet l’évolution de l’arôme du sauvignon vers des notes particulièrement appréciées par le consommateur.
En définitive, un bon sauvignon jeune, par le biais de ces techniques, peut devenir un grand sauvignon, stable dans le temps.