Le potentiel de garde des vins de sauvignon
L’aptitude à la conservation, la capacité à vieillir tout en développant son originalité est un facteur déterminant de la valeur du vin. Que signifie bien vieillir pour un vin ? Sans doute paraître « raisonnablement » plus jeune que son âge mais surtout être plus intéressant après quelques années en bouteille !
Hélas, ce vieillissement idéal des vins blancs est loin d’être général. La plupart d’entre eux perdent rapidement leurs arômes fruités et développent des odeurs plus lourdes évoquant le miel, la cire d’abeille, l’encaustique, la résine de pin. Cette évolution aromatique s’accompagne toujours d’une augmentation de la teinte jaune orangée de la couleur du vin et d’une sensation d’amertume en fin de bouche. Elle concerne tous les vins blancs, tranquilles ou effervescents, secs ou liquoreux, quel que soit le cépage ou l’origine. Ce « vieillissement oxydatif » est très banalisant ; il efface le terroir aussi sûrement que le bouquet de vieillissement réducteur le révèle.
Les vins blancs de sauvignon n’échappent évidemment pas à cet écueil.
Mes travaux réalisés sur le vieillissement prématuré des vins blancs à l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin de Bordeaux, ont permis d’identifier les molécules caractéristiques du profil aromatique des vins blancs victimes de ce défaut, d’étudier leurs voies de formation, les circonstances de la vigne à la bouteille favorisant leur apparition et évidemment, les moyens à mettre en pratique pour s’en prémunir.
Quelques règles à respecter
Ces moyens pourraient être résumés en quelques règles relativement simples.
Il faut d’abord assurer une vigueur suffisante de la vigne par une alimentation azotée non limitante. Les raisins riches en azote assimilable (> 200mg/L) sont toujours plus riches en précurseurs d’arôme et en composés réducteurs tels que le glutathion et plus pauvres en composés phénoliques, catalyseurs de l’oxydation. Les rendements excessifs, la sécheresse, l’enherbement, les enracinements superficiels affaiblissent la vigne et favorisent le premox des vins blancs.
Au cours de l’extraction des jus, la diffusion des composés phénoliques des parties solides de la grappe doit être limitée pour préserver le potentiel réducteur du moût, c’est à dire le glutathion. Le nombre de rebêches doit être minimisé et la sélection des jus de fin de presse rigoureuse.
Les moûts et les vins doivent être protégés efficacement de l’oxydation, par l’utilisation de gaz inerte et d’anhydride sulfureux pour éviter la formation des molécules responsables du vieillissement défectueux. La fermentation alcoolique doit être complète et relativement rapide afin de préserver le potentiel en glutathion du moût. Cela suppose un niveau de clarification du moût adapté au cépage, une teneur en azote assimilable suffisante et un apport d’oxygène à point nommé, durant la phase de multiplication des levures.
Lorsqu’elle est recherchée, la fermentation malolactique doit débuter le plus rapidement possible après la fin de la fermentation alcoolique. En effet, durant la phase de latence de la fermentation malolactique le vin n’est pas protégé de l’oxydation par le dioxyde de soufre. Les conditions de l’élevage doivent être aussi réductrices que possible ; le maintien d’une dose efficace de SO2 libre, la remise en suspension des lies et l’utilisation modérée de bois neuf y pourvoient.
Enfin, lors de la préparation des vins à la mise en bouteille, la dissolution d’oxygène doit être la plus limitée possible, et le choix de l’obturateur approprié au vin que l’on souhaite élaborer.