Le sauvignon blanc se met à table

Avant d’aborder le vaste sujet des accords mets/vins, il convient de cerner d’un peu plus près les profils aromatiques et gustatifs de ce cépage au caractère bien trempé.

Quand il est expressif, ce qui est souvent mais pas nécessairement le cas, le sauvignon blanc offre des arômes qui vont de l’herbe et du citron vert à la pêche et aux fruits tropicaux, en passant par la pomme. Comme toujours dans ce type d’analyse, ces termes ne sont que des analogies et sont nettement insuffisants pour décrire toutes les nuances des gammes olfactives réellement rencontrées. Dans certains cas, les uns ou les autres citeront encore le silex et le poivron vert, ou bien le fruit de la passion et la mangue. Si on passe aux vins liquoreux issus de ce cépage, le spectre s’élargit encore. Sur le plan des saveurs, il est plus facile d’être précis qu’avec les arômes. Le sauvignon blanc est presque toujours marqué par une acidité vibrante, une texture fine mais acérée, parfois assagie par un élevage en barrique, et des nuances qui font écho aux arômes évoqués ci-dessus. Bien entendu, ces variantes obéissent plus ou moins aux facteurs climatologiques, et sont ensuite modulés selon les modes d’élaboration. On dispose donc d’un cépage assez aromatique, soutenu par une structure acide prononcée, ce qui constitue une excellente base pour une série large d’accords à table. La question du sucre résiduel transforme évidemment cette donne, car le sauvignon blanc est aussi vinifié en vin liquoreux, notamment dans le sud-ouest de la France (Bordelais et Bergeracois en particulier), mais aussi parfois en Californie, en Australie et en Autriche, par exemple.

Les alliances classiques

Le sujet des alliances mets/vins est à la fois très simple et d’une complexité effroyable. En version simple, et si l’on prend en compte toutes les variables et subjectivités (goûts individuels, variations culturelles des saveurs et des pratiques, différences entre les vins, etc, etc), on pourrait presque faire de la question un non-sujet : buvez ce que vous aimez boire avec ce que vous aimez manger, du moment que vous vous faites plaisir !

Mais on peut aussi essayer d’affiner un peu la question. Pour le sauvignon blanc sec, tous les poissons ou crustacés fonctionnent bien, y compris les poissons gras. Cela donne une large ouverture à toutes les régions du monde qui incluent les poissons dans leur régime alimentaire. D’une manière générale (et cela vaut pour tous les accords) plus la saveur du met est relevée, plus il faut un vin expressif et intense. Par exemple, une terrine faite avec des poissons d’eau douce aura des saveurs délicates qui s’accorderont bien avec un sauvignon de Loire. Avec l’huître ou le poisson fumé, il est souvent préférable d’opter pour un sauvignon plus intense, comme ceux de la Nouvelle Zélande ou un vin ayant fermenté sous bois.

Polyvalent

Les légumes ne posent pas de problème au sauvignon blanc qui s’adapte aussi bien à l’amer qu’à l’acide. Plus le légume est grillé, plus il faut un vin intense, mais il y a toujours un accord possible. C’est l’arrivée d’une sauce fortement réduite qui peut, éventuellement, tester ses limites, ou en tout cas nous pousser vers les styles de vins les plus denses et peut-être boisés. La matière grasse, comme la viande de porc ou les charcuteries, ne lui font pas peur non plus, grâce au contrepoint acide/gras qui s’équilibre sans s’annuler. En matière de viande, outre le porc, toutes les volailles et viandes blanches, et même l’agneau rosé, peuvent très bien s’accorder avec un sauvignon. Seules certaines viandes rouges ou gibiers peuvent dominer ses subtilités.

Tout au long du repas

Arrivé en fin de repas, si on passe au dessert, il faut nécessairement du sucre dans le vin. On doit alors privilégier les sauvignons issus de vendanges tardives, avec ou sans effet de botrytis. Les meilleurs accords à ce stade se feront avec les desserts à base de fruits. Si on préfère le fromage au dessert, on peut opter pour des versions sèches ou sucrées du sauvignon, selon le type de fromage : sec pour les fromages de chèvre ou de brebis, les pâtes pressés ou fermentés, moelleux pour les fromages bleus ou crémeux.

Les plats épicés posent un autre genre de problème. Outre la bière bien utile pour éteindre le feu, j’opterai pour du sucre pour l’étouffer. Des sauvignons issus de vendanges tardives, seuls ou assemblés avec du sémillon, sont donc une bonne solution.

En conclusion, je dirais que le sauvignon est peut-être le plus polyvalent des cépages pour ses possibilités à table. Les cépages rouges ont des capacités d’adaptation bien plus étroites et j’ai beau chercher, je ne trouve aucune autre variété de vin blanc dont les versions peuvent s’accorder avec une telle diversité de plats.

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